- CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE)
- CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE)CLÉOPHRADÈS PEINTRE DE (1er quart \CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE) Ve s.)Parmi les grands peintres de vases attiques à figures rouges de la seconde génération du «style sévère» (env. \CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE) 500-\CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE) 475), celui que l’on continue à appeler conventionnellement Peintre de Cléophradès, d’après le nom d’un céramiste qui a signé, en tant que potier (Kleoprades epoiesen , c’est-à-dire «a fabriqué»), au moins un des vases dont notre peintre a réalisé le décor figuré, est certainement l’un des plus importants, avant même sans doute le Peintre de Berlin, le Peintre de Brygos et Douris, ses contemporains. Son nom véritable était probablement Épictétos, car une pélikè (sorte d’amphore) conservée à Berlin et que l’on considère sans hésiter comme une de ses œuvres tardives porte la signature Epiktetos egraphsen , c’est-à-dire «a peint»; mais, pour éviter la confusion avec un de ses aînés de la première génération du style sévère qui s’appelait aussi Épictétos, on continue d’ordinaire à le nommer Peintre de Cléophradès plutôt qu’Épictétos II. Ce nom d’Épictétos, qui signifie «acquis en plus» ou «nouvellement», montrerait que l’artiste n’était pas de souche athénienne, mais d’origine servile, et peut-être même barbare.Quoi qu’il en soit, le Peintre de Cléophradès occupe une position clé dans l’histoire de la peinture grecque sur vases: à la fois traditionaliste et novateur, il garde la rigueur impeccable du dessin qu’il a héritée des maîtres de la première génération du style sévère, en particulier d’Euthymidès (un contemporain d’Euphronios), dont il fut probablement le disciple, mais il s’efforce, dès certaines de ses premières œuvres (par exemple sur une amphore de Munich représentant Dionysos et son cortège de satyres et de ménades), d’introduire des moyens d’expression nouveaux, à la fois par quelques innovations techniques et par le souci de rendre une vie intérieure des personnages.Traditionaliste, le Peintre de Cléophradès l’est dans la mesure d’abord où il n’hésite pas à travailler aussi selon la vieille technique de la figure noire, principalement pour une série de vases particuliers, les amphores panathénaïques, que l’on offrait comme prix aux vainqueurs des épreuves sportives des fêtes des Panathénées et qui, par conservatisme religieux, sont toujours restées décorées, jusqu’à l’époque hellénistique, des mêmes thèmes (la déesse Athéna d’un côté, une scène de sport de l’autre), traités en figures noires. Un détail caractérise les amphores panathénaïques du Peintre de Cléophradès, dont on connaît une dizaine d’exemplaires: l’épisème, c’est-à-dire le motif ornemental, du bouclier d’Athéna est toujours le cheval ailé Pégase. Le Peintre a aussi décoré en figures noires quelques amphores à col et les zones secondaires de quelques vases à figures rouges. Dans tous les cas apparaît un art consommé de créer des personnages pleins de puissance et de caractère, en particulier des athlètes solidement bâtis au revers des amphores panathénaïques.Mais la production de loin la plus intéressante du Peintre de Cléophradès consiste en une centaine de vases ou de fragments à figures rouges, essentiellement de grands vases (comme dans ses œuvres à figures noires) tels qu’amphores, stamnoi, hydries et cratères; rares sont les formes plus petites, et même lorsqu’il lui arrive de décorer un vase aux dimensions en principe plus modestes, par exemple une coupe, il le choisit d’une taille exceptionnelle, comme ce spécimen du cabinet des Médailles de Paris qui porte la signature du potier Cléophradès et qui est la plus grande coupe à figures rouges connue à ce jour.Il est naturel que le Peintre de Cléophradès aime les grands vases, car son style, dont on peut suivre l’évolution entre environ \CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE) 500 et \CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE) 470, se caractérise avant tout par l’ampleur, la puissance, la grandeur. Conformément à la tradition et comme la plupart de ses contemporains, il traite des sujets inspirés les uns par la vie quotidienne, les autres par la mythologie ou l’épopée. Mais c’est cette seconde source d’inspiration qui convient manifestement le mieux à son tempérament et qui lui a fait réaliser ses chefs-d’œuvre: l’amphore de Munich déjà citée, la coupe du cabinet des Médailles avec Héraklès luttant contre les Amazones, le stamnos du Louvre avec le combat des Lapithes et des Centaures ou celui du British Museum avec le duel de Thésée et du Minotaure, l’hydrie de Naples, enfin, qui représente la mise à sac de Troie par les Grecs vainqueurs et qui constitue comme le couronnement d’une vingtaine d’œuvres inspirées par le cycle troyen. Et même dans sa façon de traiter les thèmes inspirés par la vie quotidienne (athlètes s’entraînant à la palestre, jeunes gens en train de s’armer, adieux du guerrier à ses proches, plus rarement farandoles de joyeux compères), il élève en général les simples mortels au niveau des dieux et des héros (ainsi les athlètes du cratère en calice de Tarquinia). Il excelle dans l’évocation dramatique, à la fois par l’ampleur et le cadrage de la composition dans ses scènes à multiples personnages et par le traitement de détail des corps, campés dans des poses majestueuses si l’action se déroule au ralenti ou au contraire dotés de gestes larges et vifs, pleins de naturel, si le rythme s’accélère; certains grands tableaux de sa maturité (vers \CLÉOPHRADÈS (PEINTRE DE) 480) mélangent justement les deux sortes d’attitudes dans un contraste qui accentue leur valeur propre, comme sur l’hydrie de Naples déjà citée.Bien que le Peintre de Cléophradès, comme tous ses contemporains, ne se soucie guère de rendre la perspective, il arrive parfois à suggérer la profondeur par une superposition des plans allant jusqu’à trois, comme sur l’hydrie de Naples ou sur un skyphos de Florence représentant Iris, la messagère des dieux, attaquée par des Centaures. C’est que l’artiste est par certains côtés l’initiateur de tendances nouvelles. Il est un des premiers à figurer les corps d’une façon non seulement variée, mais hardie pour l’époque: au lieu de se contenter des traditionnelles présentations de face ou de profil, il introduit à l’occasion la vue de trois quarts, que les pionniers de la figure rouge avaient évitée; il affectionne pour ses personnages les poses plastiques mais souples, et tels ou tels de ses athlètes, par exemple, esquissent des mouvements de torsion très étudiés. Par-dessus tout, il est à coup sûr le premier à pousser aussi loin la traduction des sentiments sur les visages, qu’il sait animer, grâce en particulier aux lèvres entrouvertes et à l’œil à la pupille très avancée, d’une expression le plus souvent grave ou méditative, mais aussi quelquefois religieuse et mystique: les ménades de l’amphore de Munich déjà citée semblent pour la première fois, un demi-siècle avant Euripide, pénétrées d’une vie intérieure intense, que l’image communique au spectateur.Du point de vue technique, enfin, il lui arrive de jouer, comme le Peintre de Brygos, des ressources de couleur que peut permettre l’utilisation d’un lavis de vernis dilué, bistre à sépia, pour le rendu de certains détails (tels que la chevelure), grâce à quoi varient les aspects, et de créer quelques timides effets d’ombre et de lumière.De tous ses contemporains, c’est sans doute du Peintre de Berlin qu’il est le plus proche; mais, alors que le Peintre de Berlin est relativement archaïsant, avec un certain maniérisme, le Peintre de Cléophradès annonce davantage, surtout dans ses dernières œuvres, la période suivante, dite du «style libre». De son époque, qui est celle des guerres Médiques, il traduit toutefois à merveille l’esprit énergique et exalté.
Encyclopédie Universelle. 2012.